Publié le 15 mars 2024

La décarbonation efficace au Québec ne consiste pas à tout électrifier aveuglément, mais à séquencer stratégiquement les technologies en plaçant l’efficacité énergétique au cœur de la démarche.

  • L’efficacité énergétique (les « négawatts ») est le levier le plus rentable et doit être la priorité absolue avant tout investissement majeur.
  • L’électrification des procédés et la biomasse sont des solutions matures pour remplacer les combustibles fossiles.
  • Les technologies de pointe comme l’hydrogène vert et le captage de carbone sont des outils puissants, mais à réserver aux usages où les autres options sont impossibles.

Recommandation : Avant de choisir une technologie de production d’énergie, réalisez un audit complet de vos consommations pour identifier et exploiter tous les gisements d’efficacité existants.

Face à l’urgence climatique et aux objectifs ambitieux du Québec en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES), les gestionnaires d’usines, les ingénieurs et les décideurs politiques sont confrontés à un défi de taille : comment décarboner efficacement l’industrie? L’instinct premier est souvent de se tourner vers les solutions les plus médiatisées, comme l’hydrogène vert ou le captage massif de carbone, en espérant une solution technologique miracle. Cette approche, bien que séduisante, omet une vérité stratégique fondamentale.

La course à la décarbonation n’est pas un sprint vers la technologie la plus innovante, mais un marathon stratégique basé sur un portefeuille diversifié de solutions. Le véritable enjeu n’est pas seulement de produire de l’énergie propre, mais surtout de consommer moins et mieux. En effet, l’énergie la moins chère et la moins polluante est celle que l’on ne consomme pas : le fameux « négawatt ».

L’angle directeur de ce guide est donc un changement de paradigme. Au lieu de voir la décarbonation comme une simple substitution d’une source d’énergie par une autre, nous la présenterons comme une refonte stratégique des procédés. La véritable performance se trouve dans une hiérarchisation intelligente des technologies. Ce n’est qu’en maîtrisant d’abord l’efficacité énergétique que l’on peut ensuite déployer judicieusement l’électrification, la biomasse et, en dernier recours, les technologies de pointe comme le captage de carbone ou l’hydrogène vert pour les besoins spécifiques.

Cet article va donc vous fournir une vue d’ensemble structurée de cette boîte à outils technologique. Nous allons décortiquer chaque option, non pas comme des choix isolés, mais comme les pièces d’un puzzle stratégique, en évaluant leur maturité, leur coût et leur pertinence dans le contexte industriel québécois pour vous permettre de bâtir une feuille de route de décarbonation robuste et rentable.

Capturer le carbone : une solution miracle ou une fausse bonne idée pour l’industrie québécoise?

Le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC) est souvent présenté comme la solution ultime pour les industries à fortes émissions, comme les cimenteries ou la pétrochimie. Loin d’être de la science-fiction, cette technologie est une réalité opérationnelle, mais elle doit être positionnée correctement dans l’arsenal de la décarbonation : comme une solution de dernier recours pour les émissions de procédé incompressibles, et non comme une excuse pour éviter les efforts d’efficacité en amont. Le principe est de « laver » les fumées industrielles pour en extraire le CO2 avant qu’il n’atteigne l’atmosphère.

Étude de cas : Le projet Quest de Shell Canada en Alberta

Bien que situé hors du Québec, le projet Quest est une référence canadienne incontournable. En moins de cinq ans, cette installation a capté et stocké de manière sécuritaire plus de cinq millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent du retrait de 1,25 million de voitures de la circulation. Fait notable pour les décideurs, les coûts d’exploitation se sont avérés 35 % inférieurs aux prévisions initiales, et une construction aujourd’hui coûterait 30 % de moins grâce aux gains d’efficacité et à l’expérience acquise. Cela démontre la maturité croissante de la technologie.

Cependant, cette technologie a un coût non négligeable. Bien qu’il soit difficile d’obtenir un chiffre précis pour le Québec, une analyse de l’incitatif américain suggère un coût d’environ 85 $ par tonne de CO2 stockée. Ce coût doit être mis en balance avec celui des autres options de décarbonation. Pour un industriel, l’arbitrage technologique est donc crucial : est-il plus rentable d’investir dans le CUSC ou de modifier un procédé pour éliminer l’émission à la source ? La réponse dépendra de la nature de l’émission et de la maturité des alternatives.

Installation de captage du carbone dans une cimenterie québécoise avec tours de capture et pipelines
Rédigé par Elliot Gagnon, Elliot Gagnon est un stratège en transformation numérique cumulant 15 ans d'expérience au sein de l'écosystème technologique montréalais. Son expertise principale réside dans l'application de l'IA et de la blockchain pour créer de nouveaux modèles d'affaires pour les PME.