Publié le 17 mai 2024

La position de leader du Québec en intelligence artificielle n’est pas un hasard, mais le résultat d’un écosystème intégré et stratégique, unique au monde.

  • La force du Québec repose sur une synergie puissante entre la recherche universitaire de pointe, les investissements publics ciblés et un tissu entrepreneurial dynamique.
  • L’impact de l’IA dépasse la simple technologie ; il transforme activement des secteurs clés comme la santé et la sécurité, tout en redéfinissant le marché du travail.

Recommandation : Pour comprendre la véritable portée de cette révolution, il faut analyser comment ces différents acteurs collaborent pour passer de la recherche fondamentale à des applications qui changent concrètement le quotidien des Québécois.

L’intelligence artificielle n’est plus une promesse futuriste, mais une réalité économique et sociale qui redessine les contours du Québec. Chaque jour, les manchettes célèbrent Montréal comme une capitale mondiale de l’IA, souvent en évoquant le nom de ses pionniers comme Yoshua Bengio ou les investissements massifs des géants de la tech. Pour le citoyen ou l’investisseur, cette effervescence soulève des questions fondamentales : cette révolution est-elle tangible ? Au-delà des laboratoires de recherche, quels sont ses impacts concrets sur nos emplois, nos entreprises et notre vie de tous les jours ?

La conversation sur l’IA oscille souvent entre deux extrêmes : d’un côté, l’enthousiasme pour une technologie quasi magique, et de l’autre, la crainte d’une automatisation qui menacerait l’emploi. Ces visions, bien que compréhensibles, survolent la véritable nature de la force québécoise. Elles manquent le cœur du réacteur : la construction méthodique d’un écosystème où chaque composant — université, startup, grand groupe, gouvernement — ne joue pas en solo mais en synergie. La véritable clé de la réussite du Québec ne réside pas seulement dans ses algorithmes, mais dans l’architecture de cette collaboration.

Cet article propose de dépasser les lieux communs pour décortiquer cette mécanique de précision. Nous n’allons pas seulement lister les acteurs, mais analyser comment ils interagissent. Nous examinerons comment le financement public ne se contente pas de subventionner, mais d’orchestrer. Enfin, nous verrons comment cette stratégie intégrée se traduit par des avancées concrètes, de la découverte de nouveaux médicaments à la sécurisation de nos données personnelles, façonnant un véritable « Québec 2.0 ».

Cet article est structuré pour vous offrir une vue d’ensemble analytique et prospective. Nous débuterons par l’identification des piliers de cet écosystème, avant d’explorer les mécanismes de soutien à l’innovation, les impacts sur le marché du travail et les applications qui touchent déjà votre quotidien.

Mila, Google, startups : qui sont les vrais acteurs de l’IA à Montréal ?

L’hégémonie de Montréal en intelligence artificielle ne repose pas sur un seul pilier, mais sur une trinité puissante : le monde académique, les laboratoires de recherche des multinationales et un écosystème de startups foisonnant. Au cœur de cette galaxie se trouve le Mila – Institut québécois d’intelligence artificielle, fondé par le lauréat du prix Turing, Yoshua Bengio. Plus qu’un simple centre de recherche, le Mila est un aimant à talents qui a catalysé la formation de la plus grande concentration de chercheurs en apprentissage profond au monde. C’est ce pôle d’excellence qui a initialement attiré les géants.

En effet, des entreprises comme Google (via DeepMind), Microsoft et Meta (avec son laboratoire FAIR) ne sont pas venues à Montréal par hasard. Elles ont suivi le talent. L’expansion du laboratoire FAIR est exemplaire : en seulement un an, il a quintuplé ses effectifs, témoignant de la richesse du bassin de compétences local. Comme le soulignait un représentant de Microsoft, l’enthousiasme est grand à l’idée de collaborer avec « la vaste communauté technologique de Montréal, qui devient une plaque tournante mondiale ». Ces laboratoires ne se contentent pas de recruter ; ils réinvestissent dans l’écosystème en publiant leurs recherches et en collaborant avec les universités.

Cette concentration de matière grise crée un terreau fertile pour les startups. Des entreprises innovantes émergent, souvent fondées par d’anciens chercheurs de ces mêmes institutions, créant un cycle vertueux d’innovation. L’attractivité de la métropole se mesure aussi en chiffres : Montréal International révèle que la ville a attiré 1,7 G$ d’investissements directs étrangers avec une composante IA entre 2018 et 2024. C’est cet écosystème intégré, où la recherche fondamentale alimente l’industrie et où l’industrie finance en retour la recherche, qui constitue la véritable force de frappe du Québec.

Lancer sa startup en IA au Québec : le guide de financement et de soutien

Si les idées naissent dans les laboratoires, elles deviennent des entreprises grâce à un autre pilier de l’écosystème québécois : un réseau de financement et de soutien structuré et volontariste. Lancer une startup en IA n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi d’accès au capital et à l’accompagnement. Le Québec l’a bien compris et a mis en place un parcours balisé pour les entrepreneurs, qui combine soutien public et investissement privé.

L’impulsion initiale vient souvent du secteur public. Le gouvernement agit comme un catalyseur stratégique, non pas en se substituant au marché, mais en réduisant les risques à des étapes clés. L’exemple le plus frappant est le soutien au Mila, pour lequel le gouvernement du Québec a annoncé un investissement de 80 millions de dollars sur cinq ans. Cet argent ne fait pas que financer la recherche ; il ancre l’institut comme un pôle d’attraction mondial, ce qui bénéficie indirectement à tout l’écosystème entrepreneurial.

Une fois la phase de recherche initiale passée, les startups peuvent se tourner vers un maillage dense d’incubateurs et d’accélérateurs spécialisés comme Next AI, Centech ou District 3. Ces structures offrent bien plus qu’un espace de travail : elles fournissent du mentorat, un accès à des réseaux et une préparation aux levées de fonds. C’est à ce stade que le capital de risque privé entre en jeu. Des fonds québécois comme Real Ventures ou Panache Ventures se sont spécialisés dans le financement d’amorçage des entreprises technologiques. Enfin, pour les projets plus matures visant l’adoption industrielle, des supergrappes comme SCALE AI facilitent la connexion entre les fournisseurs de solutions d’IA et les industries traditionnelles cherchant à se moderniser. Cet continuum de financement, du public au privé, assure qu’une bonne idée a toutes les chances de devenir une entreprise viable.

L’IA va-t-elle voler votre job ? Les vrais impacts sur le marché du travail québécois

La question de l’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi est souvent abordée avec anxiété, sous l’angle de la substitution. Pourtant, l’analyse de l’écosystème québécois révèle une réalité plus nuancée : celle d’une transformation des compétences et de la création de nouveaux métiers. L’IA ne vient pas tant « voler » des jobs qu’en modifier la nature et en exiger de nouveaux. Le véritable enjeu pour le Québec n’est pas de résister à la vague, mais de former la main-d’œuvre capable de la surfer.

Plutôt qu’une destruction nette d’emplois, on observe une polarisation du marché. Les tâches routinières et répétitives sont effectivement de plus en plus automatisées. En revanche, la demande explose pour des profils hautement qualifiés : scientifiques des données, ingénieurs en apprentissage automatique, spécialistes en éthique de l’IA, etc. Selon Québec International, ce ne sont pas moins de plus de 100 chercheurs qui utilisent et implémentent les technologies d’IA dans la seule région de la Capitale-Nationale, illustrant la profondeur de ce besoin en expertise.

Conscient de ce défi, le système d’éducation québécois s’adapte. Les universités ont été les premières à développer des programmes de pointe, mais le mouvement s’étend désormais aux cégeps, qui proposent des formations techniques spécialisées en IA. L’objectif est de créer un pipeline complet de talents, des techniciens capables de déployer et maintenir des systèmes d’IA jusqu’aux chercheurs qui inventent les algorithmes de demain. Cette approche pragmatique vise à s’assurer que les bénéfices économiques de l’IA irriguent l’ensemble de la société québécoise en créant des emplois de qualité et en augmentant la productivité des industries existantes.

Techniciens en intelligence artificielle travaillant sur des systèmes d'apprentissage automatique dans un laboratoire moderne
Rédigé par Elliot Gagnon, Elliot Gagnon est un stratège en transformation numérique cumulant 15 ans d'expérience au sein de l'écosystème technologique montréalais. Son expertise principale réside dans l'application de l'IA et de la blockchain pour créer de nouveaux modèles d'affaires pour les PME.